La huitième plaie

Par Karma Pschtt

Cette nouvelle a été envoyée par son auteur dans le cadre du premier concours de nouvelles sur le vélo organisé par velook.fr, le blog des vélos d'occasion, et Pause vélo, le podcast francophone du vélo.


Les vélos ont totalement disparu. Personne ne l'avait prédit.

 

Quatre mois après le déconfinement post COVID-19, les premières sauterelles déferlèrent sur la

promenade des Anglais à Nice. Dans les rues encore très dégagées de la cité des Anges, il y avait

pourtant peu d’éléments susceptibles d’attirer ce nouveau fléau et les observateurs, habitants,

journalistes comme les autorités locales furent perplexes devant ce phénomène, d’autant que les

sauterelles avaient mystérieusement disparu aussi vite qu’elles étaient apparues…

 

Le lendemain, nombre de Niçois eurent une mauvaise surprise à l’heure du départ de la maison : les

pneus de leur vélo étaient totalement dépecés, comme partiellement dissous dans l’acide, ne

laissant qu’une trame pendouiller autour de la jante. En regardant de plus près, la chambre à air

était dans le même état. Seule la valve était intacte. En ce premier matin suivant le raid de

sauterelles, les cas mirent un peu de temps à émerger mais rapidement, les réseaux sociaux virent

apparaître des témoignages similaires et dès midi tous les ateliers vélos de Nice furent submergés de

demandes de prise en charge pour remplacer pneus et chambres à air sur une centaine de

bicyclettes ! Quelque chose se passait, sans qu’on imagine encore de quoi il s’agissait.

 

Deux semaines plus tard et alors que les réparations sur les vélos initialement touchés étaient enfin

achevées après un réassort massif de matériel de rechange, les sauterelles revinrent et

déchiquetèrent à nouveau les pneumatiques de tous les vélos accessibles, dehors ou dans des locaux

dans lesquels les insectes parvinrent à se faufiler ! Un vrai carnage à nouveau ! Si quelques

personnes avaient émis un possible lien entre la première vague de sauterelles et la vague d’avaries

sur les vélos, la concomitance entre les deux phénomènes amena les autorités à se pencher sur un

probable lien.

 

Dès le lendemain, le préfet organisa une réunion de crise et les observations furent partagées au

cours d’une session qui dura plus de 7 heures, un vrai marathon ! A l’issue de ces débats, le principe

de précaution amena une décision difficile mais jugée nécessaire pour endiguer le curieux

phénomène : les vélos devraient désormais et jusqu’à nouvel ordre être confinés dans des lieux

totalement hermétiques aux insectes. Le tollé parmi les adeptes du velut comme chez cyclosportifs

se heurtât à une volonté préfectorale inflexible : les premiers jours, des dizaines de vélos furent

saisis et détruits par les forces de l’ordre, alors que certains circulaient encore dessus ou qu’ils

étaient simplement stationnés dehors ou dans des endroits insuffisamment protégés. Une troisième

vague de sauterelles, poussant les autorités à de nouvelles opérations, facilitées par le support d’une

poignée de membres d’une association revendiquant 40 millions de membres qui s’affairaient jour

et nuit à débusquer les engins encore en circulation. Rapidement plus aucun vélo ne vit le jour et les

rues de la ville furent alors encombrées de véhicules motorisés comme elles l’avaient été jusqu’à

l’hiver 2019-2020.

 

Aurélien V., parisien en vacances assoupi sur les galets de la plage ouvrit les yeux, un large sourire

aux lèvres.

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