L'interview d'Alexis Zerbib, fondateur de Cyclofix

Une obsession : faire rouler tous les vélos !

En avril 2018, je finis le boulot et je descends récupérer mon vélo dans le box de mon entreprise. Mauvaise surprise : le pneu arrière est à plat. Pour la première fois, je comprends que je ne vais pas pouvoir être autonome pour réparer cette chambre à air. En effet, il s'agit d'un vélo à assistance électrique. Je n'ai ni les outils ni les compétences techniques pour faire les bonnes manipulations sur mon VAE. Il y avait des câbles partout dont je ne connaissais même pas l'utilité.

J'avais donc trois solutions :

1- pousser mon vélo jusqu'à chez moi pendant au minimum une heure de marche ;

2- pousser mon vélo jusqu'à la première boutique de réparation en espérant qu'elle soit encore ouverte et qu'elle l'accepte de réparer ce modèle de vélo ;

3- trouver un réparateur qui accepterait de venir le réparer directement sur place.

J'ai choisi la 3e option. J'ai pris rendez-vous sur l'app Cyclofix. Quelqu'un m'a appelé pour vérifier la panne, me demander des références et fixer le rendez-vous dès le lendemain (à l'époque ça marchait encore comme ça mais depuis c'est bien plus direct). 24 heures après, mon vélo pouvait enfin me ramener à la maison. Entre-temps, je suis rentré chez moi en transport en commun.

C'est comme ça que j'ai découvert Alexis Zerbib, le fondateur de Cyclofix et toute son équipe. Je leur avais d'ailleurs demandé quelques histoires insolites que j'avais publiées dans un précédent article.

En quatre ans, Cyclofix a bien grandi. C'est aujourd'hui une des startups de la vélotech les plus reconnues. J'ai donc sollicité Alexis pour une interview afin de revenir sur les origines de Cyclofix et discuter de l'avenir de son entreprise.

Bonjour Alexis, peux-tu te présenter et nous expliquer comment l'aventure Cyclofix a-t-elle démarré ?

Salut Léry, je suis un entrepreneur de 33 ans, passionné par l'entreprenariat et l'innovation. Je suis également très préoccupé par les questions environnementales et sociétales auxquelles nous devons faire face. C'est en partie ce qui a motivé la création de Cyclofix.

Je voulais me consacrer à une aventure qui contribue à mettre un maximum d'urbains à vélo, pour aider à améliorer leur qualité de vie et soulager nos villes. L'idée a germé à Bruxelles en août 2015. J'étais en quête d'un nouveau projet et déjà vélotaffeur convaincu. Lorsque j'ai découvert le métier de réparateur vélo itinérant je me suis immédiatement posé la question : pourquoi n'est-ce pas plus répandu ? Se déplacer jusqu'aux cyclistes pour entretenir ou réparer leur vélo est censé rendre un immense service et être super apprécié. Mais après avoir discuté avec les réparateurs en exercice, j'ai compris que cette activité n'était pas économiquement viable car surchargée de tâches chronophages : prise de rendez-vous par téléphone ou via un simple formulaire de contact, facturation et gestion de stock manuelle, peu/pas d'optimisation des tournées....

J'ai voulu confirmer cela en opérant moi-même. Je me suis formé à la réparation vélo en donnant un coup de main dans un magasin et j'ai acheté un vélo cargo pour intervenir à Paris et la première couronne. Je roulais entre 50 et 80 kilomètres par jour. Je prenais les rendez-vous via un formulaire de contact, tenais ma base client sur un Google Sheets, utilisais Google Maps pour optimiser mes itinéraires et je stockais les pièces détachées dans ma chambre. En réalisant une dizaine d'interventions par jour, mes journées commençaient vers 8h et finissaient vers minuit avec la facturation et les commandes de pièces détachées.

Le bilan me semblait évident : ce métier est passionnant, permet de pédaler en rendant service à un tas de gens qui t'accueillent comme un héros, mais il nécessite d'être structuré et optimisé. L'idée de créer une plateforme et de fédérer les réparateurs itinérants était née.

Que faisais-tu avant de lancer Cyclofix ?

J'étais assez touche à tout ce qui m'a permis de découvrir des domaines assez différents. J'ai suivi une formation technique et travaillé comme mécanicien en sport auto, puis j'ai fait un passage en STAPS pour devenir kiné avant de bifurquer dans l'univers du digital dans lequel j'ai finalement fait mes études et travaillé en tant que webmaster, puis chef de projet. Au bout de 3 ans en tant que salarié d'une agence de publicité, j'ai décidé de co-fonder ma première startup, Spothers, qui ambitionnait de rendre l'achat-vente d'objets d'occasions plus fiable et rassurant. Un Leboncoin avec des fonctionnalités comme le paiement sécurisé, l'échange de message via un chat interne pour protéger ses coordonnées personnelles, des avis laissés entre utilisateurs... les fonctionnalités de base pour les marketplaces actuelles mais qui manquaient à l'époque.

Avec Rémy (actuel fondateur de Weglot), mon ami d'enfance et co-fondateur de Spothers, nous avons été incubés par Microsoft Ventures et avons travaillé sur le projet pendant 2 ans. On a fait plein d'erreurs mais nous avons appris des choses essentielles comme la nécessité d'être très proche de ses utilisateurs, tester des initiatives non scalables dans un premier temps...


Vis ma vie de réparateur de vélo à domicile chez cyclofix


Aujourd'hui, quels sont les principaux problèmes que vous cherchez à résoudre avec Cyclofix ?

Chez Cyclofix on a une obsession : faire rouler tous les vélos ! Notre objectif est de déployer les services qui permettent de ne laisser aucun vélo dormir à la cave. Pour remplir cette mission, on s’attelle d’abord à faciliter l’accès à l’entretien et à la réparation. Nous voulons permettre à tous les cyclistes de prendre rendez-vous avec un réparateur et d’obtenir une intervention dans les meilleurs délais. En parallèle, nous réfléchissons au meilleur moyen de fluidifier le marché du vélo d’occasion en fiabilisant l’état des vélos vendus et le parcours d’achat-vente.

velo cargo reparation vélo

Le marché de la réparation de vélo est en plein développement et de nouveaux acteurs émergent (Vélogik, Dans ta roue...). Quelle est votre valeur ajoutée par rapport à vos concurrents ?

Un parcours de prise de rendez-vous qui permet aux réparateurs de finaliser plus de 95% des interventions au premier passage et aux cyclistes de faire réparer leurs vélos en moins de 48h, dans la majorité des cas. L'expérience de plus de 400 000 vélos réparés par les réparateurs itinérants du réseau Cyclofix. Une expérience client plébiscitée avec un NPS (taux de recommandation) moyen de 91. Un écosystème digital propriétaire construit autour d'une API et d'un algorithme qui rendent chaque opération efficiente et nous permet d'étendre notre service à de nombreux partenaires (magasins, fabricants de vélos, e-commerçants...) et très prochainement aux grandes villes européennes.

Cyclofix fait partie des pépites de la Vélotech française. Qu'est-ce que votre dernière levée de fonds a changé dans votre stratégie de développement ?

Notre dernière levée de fonds en 2020 nous a permis d'investir sur la consolidation de notre expérience utilisateurs, réparateurs et clients, et d'accélérer le développement de notre produit pour préparer l'ouverture de Cyclofix dans les grandes villes européennes. Nous sommes passés de 12 à 35 personnes dans l'équipe interne. Nous avons également testé la complémentarité de notre offre avec Decathlon et travaillé sur la prise de rendez-vous en ligne pour les ateliers/magasins, que nous allons déployer plus largement en 2022.


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Cyclofix est à la fois une entreprise de la tech et de la filière vélo. Deux secteurs qui connaissent des pénuries de candidats. Comment gères-tu ces difficultés ?

La filière de la réparation vélo manque clairement de réparateurs. Les formations existantes sont qualitatives mais trop limitées au regard de la pénurie de main-d'œuvre. Ce constat, additionné aux retours d'expériences des réparateurs itinérants de notre réseau nous ont amenés à créer la Cyclofix Academy : un parcours de formation en ligne qui permet à quiconque d'acquérir une première culture technique vélo solide et de pratiquer les opérations d'entretien courant. Ce cursus a été suivi par plus de 400 apprenants qui ont ensuite pu intégrer des magasins de vélo ou le réseau Cyclofix. Nous travaillons désormais sur la création de formations avancées pour permettre aux réparateurs déjà en activité de monter en compétences et d'améliorer leurs qualités relationnelles. Là encore, nous nous concentrons sur l'expérience client, toujours au centre de nos préoccupations, et de son impact sur le chiffre d'affaires des réparateurs.

réparateurs vélo

Tu t'es lancé dans le secteur du vélo bien avant le boom lié à la crise sanitaire. Quels sont d'après toi, les prochains défis à résoudre pour refaire de la France une nation cyclable ?

Pour moi il faut continuer sur notre lancée et finir d'engager les pouvoirs publics dans cette transition. Le coup de pouce vélo a montré que de nombreux Français étaient prêts à se remettre en selle et on constate que la transition se pérennise pour de nombreux neo-vélotaffeurs. Poursuivre le déploiement d'infrastructures cyclables sécurisantes, garantir l'accès à l'entretien et la réparation de vélos via une expérience extrêmement simple et structurer le marché du vélo d'occasion sont les enjeux clefs à adresser pour redevenir une nation cyclable. Le développement du vélo électrique et des parkings vélos sécurisés sont également des déclencheurs importants. 

Enfin, notre dernière question spéciale Velook. As-tu des conseils à recommander à nos lecteurs pour dénicher un vélo d'occasion ?

1/ Pensez avant tout à l'usage que vous ferez de votre vélo pour choisir un modèle adapté et déjà équipé ou prêt à l’être.

2/ Même si l'occasion permet de réaliser des économies, prévoyez un budget suffisant pour acheter un vélo qui vous servira longtemps 

3/ Vérifiez l'état du vélo (demandez conseil à des réparateurs si besoin ou checkez rapidement les aides sur le net) pour l'acheter en connaissance de cause et prévoir un budget de remise en état si besoin

4/ Essayez le vélo pour vous assurer qu'il se comporte "normalement" (freinez fort, passez toutes les vitesses, effectuez des virages avec). En cas de doute, même minime, posez vos questions aux vendeurs et creusez pour déceler les potentielles réparations à prévoir. Nul besoin d'être fin mécanicien : un vélo en bon état freine sans trembler ni réveiller le quartier, permet de passer les vitesses sans accrocs, n'a pas de chaîne rouillée ou distendue, roule droit et ne vibre pas sur route lisse.

Évidemment, en cas de besoin, on se fera un plaisir de vous aider : vous pouvez demander au vendeur de réaliser une Certification Technique Cyclofix ou bien prendre rendez-vous avec un réparateur pour qu’il vienne remettre votre nouveau Biclou en état !


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